Saito Asami

Ma mère est morte en me mettant au monde. Toute ma vie j'en porterais le poids et bien que ce n'était sans doute pas dans ses intentions, j'ai toujours senti que mon père m'en voulait au plus profond de lui, pour lui avoir arraché la femme de sa vie… Son deuil et son chagrin ne l'ont cependant pas empêché de se remarier et d'avoir d'autres enfants mais je ne pense pas qu'il ait pu oublier ma mère. Après tout, il parait que je tiens beaucoup d'elle. Si j'en crois ma grand-mère, je serais doté de son insolente beauté et de son caractère si particulier…
Je n'étais pas un enfant facile à vivre. Tantôt taciturne, tantôt colérique, j'étais capricieux et égoïste. Mes silences n'étaient en général pas bon signe et inquiétaient beaucoup mon père qui se demandait à chaque fois quelle nouvelle bêtise j'allais encore inventer pour le faire sortir de ses gonds et c'était justement ce que je cherchais. Je voulais qu'il me gronde, qu'il me frappe, qu'il s'intéresse à moi et surtout qu'il cesse de voir le fantôme de ma mère dans le fond de mes yeux.
La femme de ma vie à cette époque, c'était ma belle-mère. C'était elle qui m'avait élevé. Elle n'était pas très jolie mais était d'une grande gentillesse et d'une patience infini avec moi mais surtout, elle m'a toujours traité comme son fils malgré ma méchanceté. Et j'étais un enfant triste et méchant qu'elle n'a jamais grondé et qu'elle réconfortait aussi souvent que nécessaire en dépit de mes protestations.
Je crois que je ne suis pas fait pour aimer les femmes. Je les rends malheureuse quand je ne les tue pas...
Ma belle-mère est morte d'un accident de voiture lorsque j'avais 13 ans et je me suis à nouveau retrouvé seul. Je l'avais de toute façon toujours été. Ma propre mère m'ayant abandonné dès ma naissance, comment aurais-je pu espérer qu'une autre me supporte plus d'une décennie ?
En grandissant mon caractère ne s'est pas adoucie et j'ai fait vivre un véritable enfer à mon propre père, allant même jusqu'à séduire l'une de ses conquêtes lorsque je n'avais encore que 17 ans. En effet, un soir il me surpris au lit avec sa petite-amie du moment. C'était je crois la goutte d'eau qui a fait déborder le vase et qui l'a poussé à me jeter à la rue. C'était ce que j'attendais. C'était ce que je voulais au plus profond de moi. J'étais à l'époque persuadé qu'il ne m'aimait pas et j'en avais enfin la preuve.
C'est ainsi que j'ai quitté ma ville natale pour rejoindre Liberty City.
J'ai vécu quelque temps dans la rue, fréquentant de mauvaises personnes jusqu'à ce que je me fasse arrêter par celui ou plutôt celle qui deviendrait mon mentor. Elle était flic, elle était rude, pas très jolie mais il se dégageait d'elle un parfum si maternel que je me suis laissé dompter pour ne pas dire séduire. Allé savoir comment elle a réussi à me convaincre et me guider sur le droit chemin mais le fait est que quelques mois après notre rencontre, je m'inscrivais à l'université de Liberty City en fac de droit.
Quelques années plus tard, j'étais diplômé et majore de ma promotion. Je n'en étais pas pour autant devenu un gentil garçon mais mon énergie je l'ai mis à traquer les crapules de la ville en devenant procureur. Je me suis même marié, à la fille de mon mentor… Nous avons eu deux enfants ensemble : un garçon et une fille. Ma vie était parfaite mais ce n'était que le calme avant la tempête.

Les années ne m'avaient pas changé. J'étais toujours le même et je crois que c'est ce qui a causé mon malheur. J'étais trop sûr de moi, insolent et si imbus de ma personne... Prompte à juger les autres, presque hautain et détestable. Je n'étais pas particulièrement aimé de mes collègues du barreau ou encore de la police mais j'étais doué et efficace, ce qui n'a fait que flatter davantage mon égo jusqu'à ce que je commette l'irréparable.
C'était en 2019. Un tueur en série sévissait à Liberty City et la police avait du mal à lui mettre la main dessus. Les suspects s'enchainaient sans qu'aucune arrestation n'ait réellement lieu. J'étais passionné par cette affaire mais surtout je me suis laissé tenter. Je suis entré dans le jeu du tueur et j'ai "flirter" avec le danger alors que ma place n'était pas sur le terrain mais dans les coulisses. Le tueur m'a repéré, contacté et je l'ai laissé entrer dans ma tête et dans ma vie. Je pensais contrôler la situation, être capable de le pousser à la faute pour pouvoir percer son identité mais lorsque je me suis rapproché du but il a mis fin à notre relation de la pire des façons. Il ne m'a pas tué. Il ne s'en est pas pris à moi. Il a fait pire que ça. Il a fait de mon épouse l'une de ses victimes et par la suite il ne m'a plus jamais recontacté. Il n'a plus jamais tué non plus. Il s'est envolé en ne laissant qu'un homme dévasté derrière lui.  
Mon fils avait sept ans à l'époque et il ne m'a jamais pardonné de ne pas avoir été capable de protéger sa mère. Je ne me le suis jamais pardonné non plus. D'ailleurs avec les années nos relations sont devenues orageuses jusqu'à ce qu'il ne décide de s'en aller, disparaissant dans la nature sans laisser de trace. Cela fait presque deux ans que je parcours Dream Land à sa recherche et je n'aurais de répit qu'en étant certain qu'il aille bien. En parallèle, je recherche toujours ce tueur qui a détruit ma vie et ma famille mais qui paradoxalement a fait de moi un homme meilleur.